Réfugiés à Bakel : entre détresse humaine, tensions régionales et interrogations citoyennes

Par Timité Lassana – Sopaiya Magazine
Depuis la fin juillet 2025, plusieurs médias, dont Radio France Internationale (RFI), ont rapporté l’arrivée de réfugiés maliens et burkinabè dans la commune de Bakel, à l’est du Sénégal. Ces familles disent fuir les violences dans leurs pays, devenus des foyers de conflits armés. Une situation qui, sur le plan humanitaire, appelle à la compassion. Mais sur le plan géopolitique, soulève aussi des interrogations légitimes.
📍 Bakel, un carrefour aux trois frontières
Située dans la région de Tambacounda, Bakel occupe une position singulière : à la frontière avec le Mali, à proximité du Burkina Faso, et non loin de la Mauritanie. Cette localisation fait d’elle une zone stratégique, à la fois carrefour commercial et point de passage entre les pays du Sahel et l’Afrique de l’Ouest côtière.
Mais cette géographie avantageuse peut aussi se transformer en vulnérabilité. Car dans le contexte sécuritaire actuel, toute mobilité transfrontalière soulève des questions : qui entre ? pourquoi ? avec quels moyens ?
🧭 Des réfugiés venus de zones rouges
Les récits rapportés évoquent des familles ayant quitté le nord du Burkina et certaines zones rurales du Mali, confrontées aux groupes armés, à l’insécurité alimentaire, et à l’effondrement des services de base. Jusque-là, rien d’anormal dans une région où plus de 2 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur des pays du Sahel, selon l’ONU.
Cependant, ce qui interpelle, c’est l’itinéraire de ces réfugiés. Plusieurs témoignages concordent sur le fait qu’ils ne sont pas passés par les couloirs humanitaires ou les routes surveillées. Ils seraient arrivés par la brousse, dans une zone difficilement contrôlable, parfois utilisée par les trafiquants ou les groupes armés eux-mêmes. Cela soulève des inquiétudes – non pas pour accuser ou rejeter, mais pour mieux comprendre et prévenir d’éventuelles infiltrations.
🛑 Un récit médiatique bien cadré… trop cadré ?
Les articles publiés jusqu’ici mettent en avant la souffrance de ces familles et la nécessité de les accueillir. Un discours juste sur le fond, mais qui semble évacuer trop rapidement les dimensions stratégiques et sécuritaires du phénomène. Certains observateurs s’interrogent : pourquoi cette mise en récit aussi rapide, aussi cohérente ? Pourquoi aucune information précise sur l’identité des personnes, leur nombre exact, ou leur encadrement institutionnel ?
Est-ce une simple communication humanitaire ? Ou une volonté de conditionner l’opinion publique à accepter une présence extérieure plus large dans cette zone ?
Le contexte régional : une recomposition à haut risque
Depuis le départ de l’armée française du Mali, du Burkina Faso et du Niger, plusieurs acteurs régionaux cherchent de nouveaux points d’ancrage stratégiques. Le Sénégal apparaît alors comme une pièce centrale : stable politiquement, relativement paisible, mais bordant les zones rouges.
Dans ce climat, certains craignent que l’arrivée de réfugiés dans une zone frontalière ne soit pas seulement un drame humain, mais aussi un prélude à d’autres opérations : implantation de bases de surveillance, renforcement de la coopération militaire extérieure, ou contrôle des flux migratoires au nom de la lutte antiterroriste.
Il ne s’agit pas ici de valider une thèse conspirationniste. Mais de rappeler que toute situation humanitaire dans un contexte conflictuel est aussi un enjeu de pouvoir.
🗣️ Et le Sénégal dans tout ça ?
Officiellement, les autorités sénégalaises restent prudentes. Aucun communiqué clair n’a été publié sur le nombre exact de réfugiés, sur leur statut, ni sur leur hébergement. Ce silence est interprété par certains comme de la prudence diplomatique, par d’autres comme un manque de transparence.
Le président Ousmane Sonko, dans sa ligne politique antérieure, s’est toujours montré méfiant vis-à-vis de la présence militaire étrangère sur le sol sénégalais. Son arrivée au pouvoir avait suscité l’espoir d’une ligne plus souverainiste. Dès lors, on peut se demander : cette situation actuelle aurait-elle été possible si un contrôle plus rigoureux avait été appliqué sur les frontières ? Est-ce une faille sécuritaire involontaire ou un choix assumé pour coopérer à une réponse régionale ?
📌 Ce que demandent les citoyens : clarté et vérité
Il ne s’agit pas de condamner l’aide aux réfugiés ni de stigmatiser des populations en détresse. L’Afrique de l’Ouest a une longue tradition de solidarité entre peuples. Mais l’opinion publique sénégalaise, et au-delà africaine, a aussi droit à une information complète, équilibrée, et rigoureuse.
Les questions suivantes méritent d’être posées :
Qui sont ces réfugiés ? Leur identité est-elle connue ?
Pourquoi ne sont-ils pas encadrés par les canaux officiels ?
Existe-t-il des risques d’infiltration de groupes radicaux ?
Le choix de Bakel est-il fortuit ou stratégique ?
Quels sont les dispositifs mis en place par l’État sénégalais pour protéger sa souveraineté tout en restant fidèle aux principes humanitaires ?
🕊️ Conclusion : lucidité, vigilance, mais sans haine
Dans cette affaire, il ne s’agit ni de tomber dans le rejet, ni d’avaler sans filtre une communication lissée. Il s’agit de voir clair, d’exiger des réponses, et de comprendre ce qui se joue à travers un phénomène en apparence purement humanitaire.
Parce que derrière chaque déplacement de population, il y a une histoire humaine. Mais aussi, parfois, des intérêts géostratégiques, des jeux de pouvoir, et des silences lourds de conséquences.
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✍🏽 Rédigé par : Timité Lassana