Blé dur : l’Algérie promet l’autosuffisance dès 2026 – Révolution agricole ou annonce politique ?

📝 Par Timité Lassana – Sopaiya Magazine
Dans un monde où les prix des céréales sont devenus des baromètres de stabilité politique et sociale, l’Algérie se donne un cap audacieux : atteindre l’autosuffisance en blé dur dès 2026. L’annonce a été faite par le ministre de l’Agriculture, Youcef Chorfa, qui se veut confiant : les récoltes record de la campagne 2024-2025 et la modernisation agricole en cours rendraient cet objectif accessible.
Mais derrière cette promesse se cache une véritable transformation structurelle, qui, si elle est menée à terme, pourrait redéfinir la place de l’Algérie dans le concert des nations agricoles africaines et méditerranéennes.
🌾 Des rendements historiques dans le sud algérien
Les chiffres sont éloquents : jusqu’à 80 quintaux de blé dur à l’hectare dans certaines zones du sud du pays. C’est presque le double du rendement moyen national observé il y a à peine cinq ans.
Ces résultats spectaculaires découlent de plusieurs innovations :
Des semences améliorées, sélectionnées pour résister aux stress climatiques (sécheresse, chaleur intense) ;
Une extension des cultures dans les zones sahariennes, notamment dans les wilayas de Ghardaïa, Ouargla et El Oued, grâce à l’irrigation maîtrisée ;
Des techniques agricoles modernisées, introduites via des partenariats avec des instituts de recherche internationaux ;
Une politique de soutien étatique renforcée, avec subventions ciblées, mécanisation et accompagnement technique.
🧭 Une stratégie claire : produire plus, importer moins
L’objectif est aussi économique que politique. L’Algérie consacre chaque année entre 1,5 et 2 milliards de dollars à l’importation de céréales, notamment depuis la France, le Canada et l’Ukraine. Or, ces dépenses pèsent lourdement sur les réserves de change du pays, déjà fragilisées par les fluctuations du marché pétrolier.
L’autosuffisance en blé dur – utilisé principalement pour la production de semoule, de couscous et de pâtes – permettrait :
✅ De réduire fortement la dépendance extérieure, en particulier dans un contexte de tensions géopolitiques mondiales (guerre en Ukraine, blocage de la mer Rouge) ;
✅ D’alléger la facture en devises, et ainsi protéger l’économie nationale ;
✅ De garantir une stabilité des prix alimentaires, facteur clé de paix sociale.
🔍 Une ambition réaliste ? Ce que disent les spécialistes
Si l’optimisme du gouvernement est palpable, les analystes restent prudents. La promesse d’autosuffisance repose sur plusieurs conditions :
- Maintenir le niveau de production actuel, ce qui suppose une stabilité climatique rare dans la région ;
- Éviter les pertes post-récolte, en investissant dans le stockage et la logistique ;
- Continuer à former les agriculteurs, notamment dans les régions nouvellement cultivées du sud ;
- Protéger les terres fertiles du nord, aujourd’hui menacées par l’urbanisation et la salinisation.
Certains agronomes soulignent également que le blé tendre – utilisé pour le pain, denrée de base en Algérie – reste encore largement importé, et que l’autosuffisance ne concerne pour l’instant que le blé dur.
Un modèle pour l’Afrique du Nord ?
Si elle parvient à son objectif, l’Algérie deviendrait l’un des rares pays africains capables de couvrir ses besoins céréaliers, avec l’Égypte et le Maroc en ligne de mire. Ce succès aurait un effet domino :
Il rehausserait la crédibilité agricole du Maghreb ;
Il offrirait un modèle de résilience climatique pour d’autres nations confrontées aux sécheresses chroniques ;
Il rouvrirait la voie à une coopération sud-sud agricole, notamment avec le Sahel.
🗣️ « L’indépendance alimentaire est une priorité nationale »
C’est en ces termes que le président Abdelmadjid Tebboune a défendu la politique agricole de son gouvernement. Depuis son arrivée au pouvoir, il a fait de la souveraineté alimentaire un axe fort, dans un contexte où les crises mondiales ont montré à quel point la dépendance aux importations était un risque majeur pour tout pays.
📌 En résumé :
Objectif Autosuffisance en blé dur dès 2026
Rendement record Jusqu’à 80 qx/ha dans le Sud
Clés du succès Nouvelles variétés, irrigation, formation, soutien public
Bénéfices attendus Moins d’importations, plus de devises, souveraineté alimentaire
Risques Dépendance au climat, infrastructures à renforcer, durabilité
💬 « Ce n’est pas qu’une question de pain… C’est une question de dignité nationale », confie un ingénieur agronome à Sopaiya Magazine.
🔜 À suivre : les ambitions algériennes sur l’orge, le maïs et les légumineuses… La révolution verte est-elle durable ?