La Chine supprime les droits de douane pour 53 pays africains : vers une nouvelle ère commerciale sino-africaine ?

Par Timité Lassana | Sopaiya Magazine
Changsha (Chine), juin 2025 – À l’occasion de la Foire économique et commerciale Chine-Afrique organisée dans la province du Hunan, le président Xi Jinping a fait une annonce retentissante : la Chine mettra en œuvre une politique de suppression totale des droits de douane pour la quasi-totalité des pays africains. Cette mesure concerne 53 pays du continent entretenant des relations diplomatiques avec Pékin.
Une décision historique qui vient redessiner les équilibres du commerce international en Afrique, à un moment où les relations économiques avec les États-Unis se dégradent pour de nombreux pays africains.
📜 Un geste fort de Pékin vers l’Afrique
Dans une lettre adressée aux participants de la foire, Xi Jinping a affirmé que la Chine accorderait un traitement tarifaire nul à 53 États africains. Jusqu’ici, seuls 33 pays les moins avancés bénéficiaient de ce privilège commercial. La mesure s’élargit désormais à d’autres économies du continent, y compris celles qui ne sont pas classées comme PMA (pays les moins avancés).
« Nous continuerons de soutenir l’industrialisation de l’Afrique, sa souveraineté économique et son intégration dans les chaînes de valeur mondiales », a déclaré Xi Jinping dans sa déclaration officielle.
Ce traitement préférentiel concerne une large gamme de produits africains, notamment les produits agricoles, les minerais, le textile, l’artisanat et les ressources naturelles transformées.
🚫 L’Eswatini exclu : Taïwan en cause
Seul pays exclu de cet accord : l’Eswatini, qui reste le dernier État africain à entretenir des relations diplomatiques avec Taïwan. Cette exclusion n’est pas anodine. Elle traduit clairement la posture politique de la Chine, qui impose comme condition préalable la reconnaissance du principe d’ »une seule Chine ».
Cette pression diplomatique, déjà exercée sur d’autres pays ces dernières années, pourrait conduire l’Eswatini à réévaluer ses relations avec Taïwan pour ne pas être isolé économiquement.
📊 Un commerce sino-africain en plein essor
En 2024, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique ont atteint un record absolu de 295,6 milliards de dollars, confirmant la montée en puissance du partenariat économique sino-africain. La Chine reste de loin :
le premier partenaire commercial du continent,
un investisseur stratégique majeur dans les infrastructures, les mines, les télécommunications et les énergies,
et un créancier incontournable, notamment dans le cadre de l’Initiative « la Ceinture et la Route ».
🇺🇸 Pendant ce temps, l’AGOA s’effondre
Cette annonce intervient alors que les États-Unis s’apprêtent à exclure plus de 30 pays africains de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), un dispositif qui permettait aux pays éligibles d’exporter sans droits de douane vers les États-Unis. Les critiques américaines portent souvent sur la gouvernance, les droits de l’homme ou la non-conformité à certaines conditions économiques.
Résultat : l’Afrique se détourne progressivement de Washington pour se rapprocher de Pékin, qui offre des conditions jugées plus pragmatiques, moins intrusives, et orientées vers les infrastructures et le développement.
Un tournant géopolitique majeur
L’offensive commerciale de la Chine en Afrique dépasse le simple cadre des échanges. Elle marque une reconfiguration géostratégique du continent :
La Chine renforce son soft power économique.
Elle marginalise la présence américaine et européenne sur certains marchés clés.
Elle accroît son influence diplomatique, conditionnant désormais les relations économiques à des positions politiques claires, comme le rejet de Taïwan.
Pour les pays africains, l’enjeu est double : profiter des nouvelles opportunités, tout en préservant leur autonomie stratégique dans un monde multipolaire en recomposition.
✅ Ce qu’il faut retenir
La Chine accorde un traitement tarifaire zéro à 53 pays africains.
Seul l’Eswatini, fidèle à Taïwan, est exclu.
Les exportations africaines vers la Chine seront désormais plus compétitives.
Cette annonce coïncide avec l’affaiblissement de l’AGOA aux États-Unis.
L’Afrique devient un champ de bataille économique et diplomatique entre grandes puissances.
🎯 Pour les exportateurs, investisseurs et décideurs africains, il s’agit d’un moment clé. Les nouvelles règles du jeu s’écrivent maintenant entre Changsha, Addis-Abeba, Abuja et Abidjan.
Timité Lassana
Rédacteur principal | Sopaiya Magazine